Le jour d’après
Le jour d’après le confinement, qu’en est-il de nos attentes ?
Notre état d’esprit est impacté par ces huit semaines, durant lesquelles nous avons dû arrêter notre vie pour nous protéger, pour protéger nos ainés, pour éviter un engorgement des services de réanimation. Nous avons tous rêvés au jour d’après, à ce que nous allons faire en premier, à ceux que nous allions pouvoir revoir et embrasser malgré les craintes et la méfiance. Par cette suspension dans notre vie, nous avons pris conscience que notre rapport au temps est interdépendant de notre travail, de l’emploi du temps des enfants, de nos obligations hebdomadaires et des activités sociales.
Une forme inattendue de patience s’est imposée à nous, parce que nous avons été contraints de rester à notre domicile, nous n’avons pas eu le choix. Alors, nous avons décuplé notre inventivité pour occuper nos journées, notre esprit, nos enfants. Nous avons fait face à l’incroyable, l’inexplicable, les informations tournaient en bouclent sur le nombre de morts quotidien, un décompte fatidique, orchestré avec brio, toujours à la même heure, toujours la même personne pour l’annoncer, avec un ton grave et mortifère.
Oui, l’heure est grave et tout ce qui va autour de ce virus est alarmant, nous sommes privés de nos habitudes pour un tout petit germe pathogène, qui nous ramène au réel de notre mort.
Réel bien souvent oublié, car la majorité d’entre nous n’avons pas vécu de tragédies collectives. Nous sommes de la génération d’après-guerre, ce qui induit une forme d’inconscience, une expression niée de notre mortalité. Ce virus nous l’a rappelé violemment, et dans un mouvement angoissant, nous avons tous imaginé être touchés par cette maladie et nous avons tous imaginé ne pas s’en sortir, dans une figure d’angoisse et de noirceur.
Toute cette organisation digne d’un film catastrophe n’a fait que renforcer notre peur et tout ce qui en découle. La réalité est à regarder en face, nous allons tous mourir un jour. Bien sûr, nous espérons que ce soit le plus tard possible. Pour autant, nous devons faire avec cette menace. Nous devons nous projeter dans une nouvelle perspective et nous devons apprendre à vivre avec cette potentialité. C’est là, que le jour d’après prend tout son sens.
Un grand nombre d’entre nous attend, impatiemment, inexorablement le lendemain de fête, le lendemain où tout repart à la normale, où nous serons libres de faire tout ce que nous voulons, voir qui nous voulons, comme embrasser nos proches, aller au cinéma, boire un verre à un terrasse de café, faire un pique-nique sur la plage, prendre l’avion, visiter le Taj Mahal, etc.
Bref, avoir le sentiment d’être libre, de faire ce que bon nous semble, quand bon nous semble.
Malheureusement, ce jour d’après n’arrivera pas aussi vite que beaucoup voudraient le croire, il nous est impossible, à l’heure actuelle, de connaitre la date à laquelle la science annoncera fin du virus. Il est là, dans vos vies, dans nos villes, dans nos écoles, dans nos bureaux, dans nos cauchemars et nous devons l’accepter.
L’acceptation est la première étape à franchir pour concevoir une nouvelle façon de vivre. Alors, il y a la question du masque. Vivre masqués, nous aurions tous rigolé, si on nous avait dit que nous adopterions la mode asiatique. Et oui, cette précaution sanitaire, typique en Asie, est difficilement applicable. Pour autant, nous nous sommes tous pliés à cette injonction pour la santé de tous.
La question des écoles est aussi un autre problème de taille. A ce jour, nous avons encore le choix de remettre ou pas nos enfants à l’école. Nous avons encore la possibilité de faire du télétravail, le chômage partiel est encore encouragé par le gouvernement. Cependant, il va bien falloir envisager le moment où les enseignants vont tous rejoindre leurs établissements, où les enfants vont retourner sur les bancs de l’école et où notre patron va exiger un retour au bureau.
Voici une réalité qu’il va falloir anticiper, une réalité qui nous demande de dépasser nos peurs et nos angoisses. Et surtout, une réalité qui nous impose de prendre le risque de côtoyer des gens potentiellement porteurs du virus. Il va falloir faire avec les écouvillons dans le nez et les prises de sang, plusieurs fois par mois, avec les quatorzaines exigées en cas de contact avec le virus ou si nous voyageons en dehors de nos frontières.
Un nouvel ordre s’établit, une nouvelle façon de prendre notre pause-café, une nouvelle perspective pour penser nos relations sociales, et cette transformation s’opère dans un temps ultra court, dans un infiniment petit et pourtant avec de si grandes conséquences.
Avec beaucoup de sérénité et de respect de l’autre, nous parviendrons à surmonter les plus stridentes de nos appréhensions afin de retrouver le calme de nos pensées.